"Populaire"
1er album (At(h)ome / Sony)
Sortie septembre 2020
EP Juin 2020
Jérôme Coudanne, habituellement
chanteur de Deportivo et Robin Feix, bassiste de
Louise Attaque, s'octroient une parenthèse
dans leur parcours de musiciens. Avec VERTIGE, ils célèbrent
à la fois l'urgence et la simplicité, s'aventurant
parfois dans les contrées psychédéliques
de la pop, opposant la froideur de la new wave anglaise
à la chaleur des musiques latines. "On voulait
sabandonner à un authentique vertige créatif,
à un truc éphémère et exaltant"
explique Jérôme Coudanne. "Après
la dernière tournée des Louise Attaque,
Robin était disponible et avait besoin de quelque
chose de nouveau. De mon côté, je n'avais
rien de planifié ni avec Deportivo, ni avec Navarre.
C'était donc le moment idéal. On voulait
écrire des chansons simples, courtes, dépouillées,
parfois même sans refrain ni structure. On souhaitait
que le dernier mot revienne systématiquement à
la spontanéité, à la première
intention ou encore à l'écriture automatique.
Ça impliquait aussi évidemment d'assumer
les imperfections qui émaneraient de cette manière
de faire."
Les deux musiciens se croisent depuis maintenant une quinzaine
d'années. Jérôme se souvient de la
manière dont ils se sont rencontrés : "j'ai
beaucoup écouté le deuxième album
de Louise Attaque, il a fait partie de mes influences
pour l'écriture du premier album de Deportivo.
Lorsqu'il a fallu faire un choix parmi les tourneurs qui
voulaient travailler avec nous, on a choisi celui de Louise
Attaque car on avait vraiment envie de les rencontrer".
Robin a lui aussi quelques souvenirs : "J'ai immédiatement
été fan de Deportivo. Nous les avions emmenés
avec nous à l'occasion de l'une de nos tournées
au Canada (...) Ils ne jouaient pas très bien,
mais très très fort. Ils étaient
la décontraction incarnée.
En 2019, fort de cette relation sporadique mais ininterrompue,
Jérôme Coudanne et Robin Feix donnent vie
à VERTIGE, entre Barcelone et Brighton où
ils résident, entre Brexit et indépendantisme,
entre la mer Méditerranée et la Manche,
c'est bien là, un pied chez Joy Division/un pied
chez Manu Chao, que les deux garçons créent
à distance cet espace d'expression éphémère
et exaltée qu'est VERTIGE. Et c'est lors d'une
visite de Jérôme chez Robin, à Brighton,
que les deux garçons échangent leurs envies
du moment. Jérôme est convaincu de pouvoir
trouver des mélodies et des paroles aux compositions
de basse que Robin lui fait écouter. Quelques mois
plus tôt, Robin avait profité de la fin de
tournée des Louise Attaque pour enregistrer quelques
basses/batteries avec le batteur du groupe, Nicolas Musset :
"je voulais tourner autour des trucs qui me tiennent
à cur depuis toujours en tant que bassiste
: Peter Hook de Joy Division et les Young Marble Giants".
Les deux musiciens ne partent donc pas d'une feuille totalement
blanche. Jérôme, quant à lui, s'était
enrichi de quelques notes plutôt journalistiques
inspirées par ses lectures, notamment par La Psychologie
des foules de Gustave Lebon mais aussi par les commentaires
associés aux articles des quotidiens et bien sûr
par ce qu'il voyait dans les rues de Barcelone : "des
drapeaux partout, des gens qui amenaient leurs enfants
aux manifestations politiques et qui semblaient complètement
sous contrôle, presque drogués. Une société
complètement divisée en deux pôles
bien distincts. Une société dans laquelle
toute forme de modération était devenue
soudainement complètement inaudible". Dans
le même temps, Robin est spectateur de l'agitation
et l'inquiétude grandissante de la Grande-Bretagne
face au Brexit.
De retour de ce séjour, commence une série
d'envois intensifs de fichiers. Robin se souvient de la
fluidité et de la facilité des échanges
: "On avait l'intention de ne pas se prendre la tête,
un morceau est venu puis un second..." Jérôme
ajoute : "c'était vraiment exaltant, le matin
on recevait ce que l'autre avait enregistré de
son côté pendant la nuit, on avait l'impression
que rien ne pouvait arrêter notre créativité.
Quand je n'arrivais pas à trouver d'idées
valables sur les enregistrements de Robin, je composais
alors un clavier/batterie que je lui envoyais pour qu'il
y ajoute une basse. C'est aussi comme ça que sont
nés des morceaux tel que Conduire, Acide, Glace
ou Galaxie. Le principal point d'appui de la voix devait
être la basse, j'attendais donc toujours que Robin
ait joué sa partie pour travailler une mélodie
et des paroles." Le cahier des charges est simple,
les compositions doivent être minimales : aucune
guitare, une basse, une voix et quelques claviers basiques.
La vingtaine de morceaux arrive rapidement entre les oreilles
du label indépendant AT(h)OME, tenu depuis dix-sept
ans par deux frères. Les deux garçons signent
dans la foulée. Puis il est temps de trouver un
producteur. Jérôme sollicite alors ses amis
de ALB, talentueux duo de musiciens/producteurs. Et c'est
dans leur studio encombré que l'album est enregistré
en dix jours, à peine. Reste à mixer les
chansons et ce sera à nouveau une connaissance
de Jérôme, le grand Stéphane "Alf"
Briat (Air, Phoenix, Sébastien Tellier...) avec
lequel il a collaboré sur le premier album de Navarre
et lui-même ami des ALB, qui ajoutera les derniers
ingrédients à l'album.
VERTIGE est donc un duo et c'est bien de deux pôles
dont il s'agit tout au long de ces chansons : Jérôme/Robin,
Barcelone/Brighton, Démocrates/Républicains,
anti-Brexit/pro-Brexit, pauvres/riches, Deportivo/Louise
Attaque, ça s'entrechoque, ça s'entremêle,
sans aucun répit. Les deux garçons s'amusent
même de leurs propres contraintes en malmenant les
codes : dans les années 90, les paroles de Jérôme
auraient été scandées mais en 2020,
il les murmure le plus souvent, comme pour ne pas ajouter
au vacarme ambiant : "On n'entend plus rien, tout
le monde aboie" chante-t-il avec nonchalance dans
Galaxie. Puis il ajoute: "Ah ça, la confusion
fait loi !" dans limpitoyable Bassonica, sorte
de Boléro de l'apocalypse, hymne dansant de fin
du monde dans lequel Jérôme évoque
notamment le désintérêt de la jeunesse
anglaise pré-Brexit, pour la politique : "faudrait
pas mourir sans avoir fumé tout le sac de beuh
de tes parents" avant de préciser "nous-y
allons pas à pas, direct dans l'mur c'est bien
ça, ah ça nous-y allons tout droit".
Le duo trouve aussi du relief dans leur parfaite maitrise
du contre-pied, en associant parfois une musique enjouée
à un texte plus sombre ou encore en réunissant
des mondes qui ne semblaient jamais pouvoir s'entendre.
Ainsi, Robin réussit le tour de force de synthétiser
en une ligne de basse la froideur mécanique de
Joy Division et la chaleur moite d'une chanson de Manu
Chao, sur le très tubesque et désabusé
Glace. Et on y retrouve surtout le mariage impeccable
entre la nonchalance de la voix de Deportivo et la précision
mélodique de Louise Attaque (Tournesol, SM, notamment).
Tout est désormais fin prêt pour la suite,
les dessins de Robin étant utilisés pour
le clip de la chanson Conduire ainsi que pour la pochette
de lalbum. Reste à trouver un nom, Robin
raconte : Un jour, Jérôme m'envoie
un mail, où il me dit que l'écriture des
textes lui fout le vertige. Je réponds que j'aime
bien ce mot : vertige. Le lendemain, Jérôme
propose que nous nous appelions VERTIGE !
"Comme nos vertiges sont contagieux" chante-t-il.
Sans nul doute.